
Le destin d’une nation se joue parfois sur des détails, ou sur un bateau… un bateau turc.
En novembre 2020, un projet visionnaire s’échoue à Port-au-Prince. Deux ans plus tard, le même navire, le même rêve d’énergie, s’ancre en République Dominicaine.
Cette histoire n’est pas une simple coïncidence. Elle symbolise les maux et les espoirs de deux nations voisines.
Une vision torpillée à Port-au-Prince
Jovenel Moïse était le président d’Haïti à ce moment-là. Il avait entrepris des négociations avec la Turquie. Le but était d’installer des centrales électriques flottantes au large de Port-au-Prince et du Cap-Haïtien.
L’objectif était clair : mettre fin aux coupures d’électricité chroniques. C’était un fléau qui asphyxiait l’économie et la vie quotidienne depuis des décennies.
Mais l’initiative a été confrontée à une résistance féroce. La bourgeoisie traditionnelle prospère sur le chaos énergétique. Elle contrôle les marchés de l’essence et du diesel. Cependant, ses intérêts ont été menacés.
L’opposition politique, quant à elle, a préféré instrumentaliser la rue pour affaiblir le pouvoir. Elle n’a pas soutenu un projet d’intérêt national. Une partie de la population a été manipulée. Elle a été désinformée. Elle s’est opposée au projet. Certains sont allés jusqu’à le percevoir comme un acte de « trahison ».
Au final, un pays s’est tiré une balle dans le pied, détruisant un potentiel de progrès au profit de l’obscurité.
Un pari gagnant à Azua
La crise énergétique frappe aussi la République Dominicaine. En septembre 2025, le président Luis Abinader déclare l’état d’urgence énergétique. Une action qui court-circuite la bureaucratie pour une intervention rapide.
Le résultat ? En seulement trois jours, le même type de bateau turc arrive sur les côtes dominicaines. Le Karadeniz Powership Cankuthan Bey est prêt à injecter de l’électricité dans le réseau national.
Face à cette initiative, la réponse du peuple dominicain est radicalement différente. Loin des manifestations, des destructions et des accusations, l’arrivée du bateau est saluée comme un acte de salut national.
Les Dominicains ont compris que la crise énergétique était un ennemi commun. La lumière l’a emporté sur les divisions politiques et les intérêts privés.
La leçon du « capital social »
Pourquoi une même solution rencontre-t-elle deux destins si opposés ?
La réponse réside dans la sociologie des deux peuples.
* En Haïti, le « capital social » est faible. La méfiance envers l’État, les institutions et même entre concitoyens est omniprésente. La « culture de la mobilisation négative » domine, où l’on s’unit pour détruire plutôt que pour construire.
* En République Dominicaine, il y a un sentiment de « bien commun » plus fort. Malgré les désaccords, la population et les dirigeants peuvent s’entendre sur les urgences nationales. La confiance dans la capacité collective à résoudre les crises est plus élevée.
L’histoire de ce bateau turc n’est pas seulement un récit de politique et de technologie. C’est une parabole philosophique. La lumière symbolise le progrès et la connaissance. L’obscurité représente la stagnation et le chaos. Le peuple haïtien, en rejetant la lumière, a symboliquement choisi de rester dans l’ombre.
Leçons à tirer pour l’avenir d’Haïti
Cette histoire nous donne de précieuses leçons :
* La confiance est la clé du progrès. Sans un petit peu de foi dans ses institutions et ses leaders, aucune transformation n’est possible.
* Le leadership doit construire des ponts. Une vision, même brillante, ne peut se concrétiser sans alliances et sans un soutien populaire.
* La conscience collective est le moteur du changement. Quand une nation ne voit pas au-delà de ses divisions et de ses intérêts immédiats, elle se condamne à l’immobilisme.
Le même bateau a navigué sur les mêmes eaux, mais a rencontré deux ports, deux cultures, et deux destins différents. Si Haïti veut un jour sortir de l’ombre, elle doit apprendre à embrasser la lumière. Cela est vrai même lorsque cette lumière est proposée par ceux qu’elle ne comprend pas.







